Arrivée de Opale

Opale contemplait les eaux calmes du lac, assise dans une vieille barque en bois foncé, qui tanguait légérement. Un homme avec un capuchon noir et une longue robe de la même couleur ramait, le visage caché, la tête baissée. Ils voguaient dans un tunnel orné de dessins étrange en or et en bronze, se réflétant sur le lac, ce qui donnait un effet magnifique. La maudite, impatiente, dépliait et refermait les ailes nerveusement. Quand arriveraient-ils ? Cela faisait déjà deux heures qu'ils tanguaient sur l'eau, et le mystèrieux homme (enfin, Opale pensait que c'en était un) n'avait toujours pas daigné montrer son visage. Elle effleura l'eau de ses ongles, songeuse.

-À quoi ressemble cette partie du Royaume des Ombres ? tenta Opale, brisant le silence long et monotone.

L'homme tourna sa tête vers la jeune fille, son visage toujours dissimulé. S'attendant à une réponse de sa part, elle fut déçue. L'homme s'était emprisonné dans son silence. Quelques minutes passèrent, semblant durer une étérnité.

-Elle est assez sombre, murmura t-il d'une voix grave. Mais...Attachante.

Opale se retourna brusquement (un peu trop au goût de l'homme, car il se détourna d'elle et fit mine de regarder les clapotits des vagues minuscules contre la barque). Il...il avait parlé. Enfin. Alors, le Royaume des Ombres était censé être sombre. *Parfait, se réjouit-elle. Je sens que je vais m'y plaire*. La jeune fille passa les heures qui suivirent à rêvasser sur sa nouvelle vie, pensant au nombre d'âmes qu'elle pourrait voler : le Royaume des Ombres était très vaste, lui avait-on dit.

-Nous y sommes, déclara l'homme, sortit de son mutisme, que Opale trouvait décidément très résérvé.

Effectivement, ils avaientt débouché dans un canal, et on apercevait la ville : elle était telle que la maudite l'avait imagine. Grande, avec de vieilles maisons du 18e siècle environ. Des enseignes défraîchies étaient pendu aux auberges, indiquant avec des lettres ondulées le noms de celles-ci. Des lampadaires du même siècle longeaient le Port, éclairant la ville, inquiêtante et étrange. Le lieu plaisait énormément à la jeune femme. Quand ils attachèrent enfin la ficelle à un des poteaux pour retenir la barque, elle en sauta agilement et remercia son conducteur d'un hochement de tête. Enchantée, elle s'envola dans la ville sombre.

-